‘Hanouka 5786 – n°473

Dans chaque prière de ‘Hanouka, nous disons לך עשית שם גדול וקדוש בעולמך – Tu as révélé Ton grand et saint Nom dans le monde”.

Le sens simple de cette prière est que ‘Hanouka raconte une victoire totalement improbable : une poignée de Juifs contre une puissance militaire énorme. Mais, au fond, ce n’est pas encore l’élément le plus étonnant : des renversements pareils ont déjà existé dans l’histoire, comme Avraham contre les quatre rois.

Le Rav Baroukh Rozenbloum donne l’explication suivante.

Là où ‘Hanouka devient vraiment “difficile”, c’est quand on met cette victoire face à une règle de base que rappelle le Yaarot Devash : depuis le don de Torah, il existe dans le Ciel un séder, un protocole. Quand Israël mérite ou quand il fait téshouva, il est sauvé ; sinon, l’attribut de rigueur se réveille et accuse, et la justice réclame son dû. Pourim entre très bien dans ce cadre : on voit une dynamique de téshouva qui “ouvre” la porte au salut.

Or à ‘Hanouka, on est face à un paradoxe : la majorité était מתייונים hellénisante, il n’y a pas eu de mouvement de téshouva visible, et pourtant le salut arrive. Autrement dit : comment comprendre un miracle quand, selon la logique du “protocole”, la situation ne semble pas le justifier ?

C’est exactement ce que nous chantons : “ומנותר קנקנים נעשה נס לשושנים”. Et déjà, les mots eux-mêmes sont étonnants. Pourquoi dire kankanim (au pluriel), alors qu’il n’y avait qu’une seule fiole d’huile ? C’est la question du Bné Issaskhar. Et pourquoi dire shoshanim ? Parce qu’Israël est appelé shoshana – une rose, comme dans Shir HaShirim : “כשושנה בין החוחים כן רעייתי בין הבנות” — “comme une rose parmi les ronces”.

Le Zohar (Parachat Beréshit) ajoute une dimension : la shoshana a 13 pétales, allusion directe aux 13 attributs de miséricorde. Et là, on comprend mieux l’enjeu : les Grecs ne voulaient pas seulement dominer politiquement ; ils voulaient couper Israël d’Hashem, affaiblir ce canal de ra’hamim — “étouffer la rose”. On en voit même une trace symbolique dans les 13 brèches qu’ils firent dans la barrière qui entourait le Bet Hamikdash

Le Ari Zal relie tout cela à une Michna célèbre dans Pirké Avot : “אל תסתכל בקנקן אלא במה שיש בו” — “ne regarde pas le récipient, mais ce qu’il contient”. Autrement dit : à ‘Hanouka, le kankan devient une métaphore. Extérieurement, beaucoup de Juifs ressemblent aux Grecs ; mais intérieurement, il reste quelque chose de pur, une huile intacte. Et c’est précisément ce reste (notar) qui permet d’expliquer le miracle : Hashem ne regarde pas uniquement l’état extérieur, Il regarde ce qu’il y a dedans.

Et là se dessine le cœur du message. Dans le Ciel, il y a bien un séder : quand Israël n’est pas à la hauteur, les accusateurs disent “ils ne méritent pas”. À ‘Hanouka aussi, l’accusation monte : “Ils sont devenus grecs, ils n’ont pas de mérite, pourquoi les sauver ?” Et pourtant, Hashem répond d’une manière qui révèle quelque chose de plus profond : oui, selon la midat hadin, l’argument tient… mais Son Nom est aussi lié à la midat hara’hamim. Il peut décider d’ouvrir une porte de miséricorde là où la logique stricte ne l’aurait pas permis.

C’est alors que la phrase prend tout son sens : “נעשה נס לשושנים” — le miracle se fait pour les shoshanim, qui ne sont pas seulement “les bons” ou “les parfaits”. C’est plutôt la rose au milieu des ronces. Hashem fait un miracle pour ceux qui ont fait téshouva, et même pour ceux qui ne l’ont pas encore faite, afin de leur redonner la possibilité de revenir. Il sauve aussi pour relancer, pour réveiller, pour recréer un lien.

Et c’est précisément cela : שם גדול וקדוש בעולמך. Le grand Nom qui se révèle dans le monde, c’est que le Roi des rois n’est pas prisonnier d’un automatisme : Il a choisi de gouverner avec justice, mais Il a aussi choisi de laisser place à la miséricorde — et parfois, Il décide de la faire passer devant, pour sauver et reconstruire.

Enfin, ce n’est pas qu’une idée historique. Comme l’explique Rav Dessler, chaque fête n’est pas seulement une commémoration : la période revient chaque année avec la même lumière et les mêmes possibilités. À Pessa’h, on peut mériter la guéoula ; à ‘Hanouka, Hashem déverse sur nous un surplus de ‘hen, une faveur et un amour particuliers. Et si ces jours sont des jours où Hashem “s’ouvre” ainsi envers nous, alors notre réponse est claire : saisir cette abondance pour prier sur l’essentiel, renforcer le lien, rallumer l’huile intérieure.

Veuille Hashem nous gratifier continuellement de Sa bonté infinie.

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